Assa Traoré, le désir de justice à l’origine d’un rassemblement historique
Quatre jours après la mort de George Floyd, l’affaire Adama Traoré connaissait un nouveau rebondissement. Les circonstances et la tournure de ces deux arrestations témoignent d’un mal qui ronge encore une même communauté. Après les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni, Assa Traoré appelle à leur tour les Français à s’unir pour que cesse l’injustice. Récit, au cœur d’un rassemblement ou se mêlait l’engagement et la détermination.
Paris, 2 juin 2020, il est 18 h 30 quand des milliers de manifestants marchent en direction du Tribunal de Paris. Le long du Boulevard Maréchaux, les forces de l’ordre observent l’afflux depuis les camions. La déferlante de protestants se poursuit jusqu’au parvis du tribunal déjà constitué d’une masse imposante. Publié plus tôt dans l’après-midi, un communiqué du préfet de police s’oppose pourtant au rassemblement de ce soir. Un rassemblement à l’initiative d’une femme qui se bat depuis quatre ans à fin d’obtenir justice pour son frère.
Ce mardi 2 juin, une dizaine de milliers de manifestants vont répondre présents à l’appel d’Assa Traoré, n’en déplaise au préfet. « I can’t breathe », peut-on commencer à lire sur les premières pancartes de ceux qui rejoignent le parvis. Des mots qui font écho aux dernières paroles prononcées par George Floyd le 25 mai dernier. Ayant perdu la vie sous le poids de trois policiers blancs, la mort de l’Afro-Américain de 46 ans provoque encore l’indignation dans le monde entier. « No justice, no peace », « Justice pour Adama », la France a aussi son combat. Adama Traoré, jeune homme noir de 24 ans, est quant à lui décédé à la suite d’une violente interpellation le 19 juillet 2016. Quatre ans plus tard, sa famille réclame encore la mise en examen des gendarmes responsables des violences perpétrées pendant l’arrestation.
Au milieu de la foule, posté, sur des escaliers du parvis, on aperçoit les membres du comité « Vérité pour Adama ». Ils arborent des t-shirts sur lesquels on peut à nouveau lire « Justice pour Adama ». Parmi eux, une femme, elle se tient là coiffée d’un foulard coloré, c’est Assa Traoré. Face, à elle une dizaine de journalistes l’interrogent avant sa prise de parole. Pendant ce temps, la foule scande « Justice pour Adama ! », encore et encore. 19 h approche, les manifestants occupent déjà toute l’avenue de la porte de Clichy qui longe le tribunal jusqu’au périphérique. Il y a du monde à perte de vue, de tous les milieux et de toutes les couleurs. Ce mardi soir, ils se sont rassemblés pour dire « stop » au racisme de manière pacifique, à l’image de Mélanie 26 ans. Responsable RH, de profession, la jeune femme participe à une manifestation pour sa toute première fois.
« S’il y a bien une cause pour laquelle je dois agir et manifester, c’est bien celle-ci, parce qu’on est tous concernés. Moi, parce que je suis une femme et que je suis noire. ».
Comme beaucoup de femmes noires et racisées, Mélanie a subi des discriminations dans sa vie. Aujourd’hui, elle se projette et refuse de laisser les choses évoluer dans le sens du racisme.
« Je ne veux pas que mes enfants vivent dans cette France-là ! Je veux partir de cette terre en me disant que j’ai lutté, en tout cas, que j’ai essayé », déclare-t-elle.
19 h, Assa Traoré, brandi son micro, la foule est en liesse. « Votre nom est entré dans l’histoire ! Toutes les personnes qui sont présentes ici, votre nom est entré dans l’histoire ! », c’est un message puissant qu’Assa Traoré adresse aux manifestants. Des mots qui alimentent une effusion déjà palpable dans l’air. Une énergie indescriptible saisit l’atmosphère, les voix reprennent ensemble « Justice pour Adama ». Pleine de révolte, Assa Traoré reprend « Ils sont venus, chez moi ! ». Plus tôt dans la journée, la militante recevait une étrange visite de la police à son domicile. Tentative d’intimidation ou simple avertissement ? Pour le comité « Vérité pour Adama », il s’agit bel et bien d’une « tentative d’intimidation inacceptable ». Malgré cela, Assa Traoré est bien là, devant ces milliers de personnes rassemblées pour une seule et même cause devant le tribunal de Paris.
« Si nous sommes réunis aujourd’hui c’est pour exprimer notre révolte ! Ce n’est plus seulement le combat de la famille Traoré, c’est votre combat à vous tous ! »
Avec cette phrase, la sœur d’Adama Traoré porte sa lutte hors du cercle infernal dans lequel elle se débat avec la justice depuis quatre ans. Ce 2 juin 2020, Assa Traoré donne une nouvelle dimension à son combat. Une bataille qu’elle livre désormais aux côtés de plusieurs millions de Français. Aujourd’hui, cette femme noire de 35 ans figure comme le porte-étendard d’une génération d’hommes et de femmes engagé.es.
Le nombre de femmes présentes au rassemblement est à relever. Elles ont répondu présentes et en nombre. Pour beaucoup d’entre elles, Assa représente un modèle par sa force, son courage et sa ténacité.
« On finit par se retrouver en elle. Avec la puissance de ses paroles, c’est une femme qui s’affirme et qui ne lâche rien. C’est quelque chose qu’on a toutes en nous ou qu’on essaye de faire ressortir ».
Des mots prononcés par Mélanie, manifestante rencontrée plus tôt lors du rassemblement. À la fin d’un discours poignant, Assa Traoré laisse la parole au rappeur Sadek. Par ailleurs, ce n’est pas la seule personnalité venue braver la foule. La comédienne Tokou Br fait, aussi partie des manifestants, tout comme Daphné Bürki ou les humoristes Fary et Jason Brokerss. Mais dans cette nuée, ils sont bien plus dissimulés, sous leur masque, incognitos pour défendre une même cause.
20 h 10 le soleil inonde encore de sa lumière tout comme l’effervescence des manifestants. Genou à terre et poing levé, la foule scande « Black Live Matter », « I can’t breathe » ou « Justice pour Adama ». Parmi eux, Arthur, 23 ans, s’extirpe de la masse pour récupérer ses esprits.
« Je suis ému de voir autant de monde et autant de diversité. Ça fait plaisir parce qu’à certains moments on perd la foi, en l’humanité quand on voit tous ces actes de violence envers les personnes racisées. C’est un combat extrêmement large et très important ».
Malgré ce bel instant de solidarité, Arthur ne peut s’empêcher de revenir à la réalité. Celle où le racisme sévit dans le pays, de la « liberté, égalité, fraternité ». « Avant tout si je suis là aujourd’hui, c’est par ce que j’en ai marre de me réveiller et d’avoir les larmes aux yeux devant l’actualité. Voir des gens se faire traiter comme s’ils ne valaient rien ».
Violences policières, contrôles au faciès, injures raciales, discrimination à l’emploi, la liste des hostilités subies par les minorités est encore longue. Ce soir, Assa Traoré est parvenue à rassembler un nombre de manifestants considérable. Sont-ils prêts à poursuivre le combat sur la durée ? L’avenir nous le dira. Pour l’instant, le chemin semble encore long et semé d’embûches. Adama Traoré chez nous, George Floyd, Ahmaud Arbery et Breanna Taylor aux États-Unis. Obtiendront-ils un jour justice ?
Bonjour
Tout d’abord merci pour cette plate-forme. Ma question est comment faire pour que les résultats des recherches soient en français. Dans la zone de recherche (Type Here) et (search) quand je tape une recherche le résultat est toujours en anglais.
Cordialement
Nous allons vérifier, nous vous remercions pour votre remarque.