Pourquoi les œuvres d’art africaines se sont retrouvées dans les musées occidentaux ?

Pourquoi les œuvres d’art africaines se sont retrouvées dans les musées occidentaux ?

Lors de la colonisation, l’appropriation fut d’une telle violence qu’elle étouffa toute réflexion de la part du colonisateur. Le colonisé n’était pas considéré comme un homme. En ce sens, il n’était pas en mesure de produire des chefs-d’œuvre s’élevant au-dessus de la forme et de l’émotion. Il était perçu comme dépourvu d’une quelconque once d’intelligence et de récits le plaçant comme acteur du monde. Ainsi, l’art ne pouvait être africain !

La création africaine reflète la richesse, l’histoire, la philosophie, les religions, les mythes, les cultures de ce vaste territoire. Elle est le réceptacle de l’âme de tout un peuple. L’art africain est empreint d’une dimension spirituelle qui ouvre « une réflexion sur la signification profonde de l’œuvre ».

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De l’ignorance au musée

On entend encore résonner en plus, dans des conceptions de cet ordre, l’écho d’une propagande coloniale qui postulait que l’Afrique était un continent statique et hors du temps […]. Et comme on ne voulait pas accorder à l’Afrique ni à ses habitants le droit à leur propre histoire, on déniait aussi toute évolution aux traditions plastiques et sculpturales de ce continent.”

Afin de plaire au regard occidental, les objets ont été dévitalisés pendant des décennies. Les parties végétales ou textiles étaient extraites de « l’âme de bois ». Les scénographies mises en place dans les galeries et les musées occidentaux sont à l’opposé des autels et sanctuaires en Afrique. Le but n’était pas la monstration d’un simple et unique objet, mais la concentration d’un grand nombre d’objets pourvu de pouvoirs magiques. En ce qui concerne les noms des artistes qui ne sont pas affichés lors des expositions, il s’agit, selon Roslyn Adele Walker, de raisons racistes et culturelles amenant au fait que personne ne s’est jamais soucié de savoir qui avait conçu les œuvres.

Dans sa globalité, l’Art africain se retrouve encore au sein d’une incohérence sur sa place dans le marché de l’art à cause d’un passé lié à l’esclavage, au colonialisme et d’un présent postcolonial. Ces crimes produisent toujours leurs effets sur les pays ayant été frappés. Les conséquences sont remarquables notamment en termes de développement.

« Les objets africains entassés dans des caves ou exhibés en Occident ne proviennent pas tous de vols ou de pillages. Certains furent achetés. Mais, la plupart ont bel et bien été arrachés à leurs propriétaires lors de multiples déprédations, spoliations et razzias. » Achille Mbembe

Génocide culturel

Les cas de vols révèlent à quel point les entreprises de conquête eurent un impact durable et néfaste sur la culture, les traditions et l’évolution des peuples pillés. Lorsqu’on pense génocide, on pense élimination physique, mais l’on peut aussi y voir la destruction sur le plan culturel.

De nombreux trésors emportés par les Britanniques lors de l’expédition punitive de Magdala, il y a 150 ans, pourraient être restitués à l’Éthiopie, mais sous conditions. Depuis 2007, l’Éthiopie ne cesse de réclamer officiellement la restitution de ses trésors qui lui ont été ravis lors de l’expédition britannique de 1868, dans la localité de Magdala, où s’était réfugié l’Empereur éthiopien Theodoros II. Parmi les objets réclamés se trouvent une couronne royale en or, quelque 300 manuscrits précieux, dont plusieurs des Écritures chrétiennes, ainsi que des objets de cultes considérés comme sacrés. Des objets situés à l’heure actuelle au Victoria and Albert Museum.

Au 19e siècle, ces opérations de « récolte macabre » servirent en partie de terreau pour des démonstrations pseudo-scientifiques dont l’unique objectif était la « classification raciale du genre humain », découlant inévitablement sur les systèmes occidentaux du savoir et de la connaissance. Parler de restitution, c’est raviver cette phase sombre de l’Histoire. S’interroger aujourd’hui sur la restitution amène à lier, de manière indissociable, les notions de justice et de réparation selon Achille Mbembe. Il affirme également que « posséder de facto ce qui appartient à quelqu’un d’autre ne fait pas le droit. Il y a une différence entre ce qui est mien et ce qui est tien. L’écoulement du temps n’y change rien » !

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