Connaissez-vous réellement l’art et le masque africain ?
« Le monde est une danse de masques. Pour le comprendre, il ne faut pas rester à un seul et même endroit. » Chinua Achebe
Le continent africain est composé d’un grand nombre de peuples dont chacun se définit par son langage, ses traditions et ses formes artistiques. La création africaine reflète la richesse, l’histoire, la philosophie, les religions, les mythes, les cultures de ce vaste territoire. Elle est le réceptacle de l’âme de tout un peuple. L’art africain est empreint d’une dimension spirituelle qui ouvre « une réflexion sur la signification profonde de l’œuvre ».
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La forme est un langage
Chez les Yorubas « La tradition ne se limite donc en aucune manière […], à l’imitation de modèles anciens, mais favorise l’exploitation et la transformation des modèles traditionnels par les sculpteurs. Ce qui était, vu et appris, devait plus tôt être réinterprété, et les formes anciennes redéfinies, tout en restant “lisibles” aux yeux du public et des commanditaires. »1 L’art africain est une science.
Le masque, langage et visage du monde invisible
Le masque est un outil esthétisé de communication, ou d’apparat, qui procure à son porteur une apparence ou une personnalité nouvelle en recouvrant son visage ou son corps. Le masque est une création qui ressemble rarement aux hommes. Il diffère d’eux volontairement. C’est l’une des différences qui lui procure sa portée symbolique et mystique.
« Il sert selon les lieux et les époques, à cacher, à effrayer, à transformer, à faire apparaître, à communiquer avec l’au-delà. Il favorise l’expression du corps. Plus généralement, on peut dire qu’il est la concrétisation d’un esprit, d’une créature surnaturelle intervenant dans la vie de la collectivité. Le masque perpétue et réactive régulièrement le récit historique dont il est le reflet. L’histoire s’est souvent figée en mythes. Le masque donne vie aux mythes fondateurs de l’ethnie. Il se situe à la rencontre du sacré et du profane. L’au-delà devient visible et règle l’existence des individus. L’esprit auquel le masque fournit un support formel peut se faire le défenseur d’un code moral non écrit, traquer et punir ceux qui ne se plient pas aux lois coutumières. »2
Au-delà des yeux
En phase avec des réalités éloignées des sciences et des langages classiques, le masque en Afrique permet un échange sans silence ni fausse note avec l’invisible, un outil de liaison entre des mains averties. Résumer le masque juste à la surface sculptée posée sur le visage du porteur équivaut à penser que les Dogons du Mali possèdent une connaissance légère de l’astronomie.
« Cagoule, robe de raphia ou de tissu, plumes, clochettes ou autres accessoires font partie d’un tout complexe qui ne saurait être coupé du mouvement, de la danse, des musiques d’accompagnement, de la participation des spectateurs, ni surtout du rituel ou de l’institution à laquelle il se rattache, le plus souvent une société d’initiation très fermée comme chez les Bamana du Mali ou les Sénoufo de Côte d’Ivoire. Le masque constitue un patrimoine à la fois matériel et immatériel de grande importance pour les populations concernées »3.
C’est une écriture visuelle qui traduit deux faces d’un univers tangible et imperceptible aux non-initiés. Une conception culturelle où se rejoignent de multiples peuples africains de par le monde. Cet héritage millénaire se retrouve de manière indéfectible dans la forme et le fond, une science qui se confie par l’art.
Esthétisme du monde et du sacré
L’homme africain est inextricablement lié à la spiritualité, au monde des ancêtres. C’est en ce sens que son art « entretient une relation forte au sacré […]. Ainsi les âmes des ancêtres et les “esprits” de la brousse ou de la forêt, qu’ils soient bienfaisants ou malfaisants, sont omniprésents dans la nature ; les vivants leur font des prières ou des sacrifices à des fins propitiatoires et, très souvent, on leur donne une apparence tangible sous forme de masques, mais aussi de statuettes de toutes sortes, en terre, en bois, en ivoire ou en métal, qu’on peut admirer esthétiquement, mais dont on ne peut comprendre la signification sans interroger les traditions religieuses et leur “parole d’utilisation.”4On ne peut réellement percevoir la dimension de ces objets sans être initié pour en déceler la portée, celle de l’héritage séculaire d’où provient le geste qui sculpte l’ouvrage.
Sources
1 Art africain, Stefan EISENHOFER, éditions Taschen
2 Le kankourang, masque d’initiation des Mandingues de la Sénégambie par Alphousseyni Diato
3 Catalogue de l’exposition « Le Havre Dakar — Partager la mémoire »
4 Catalogue de l’exposition « Le Havre Dakar — Partager la mémoire »
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