Crise de l’eau en Guadeloupe : le constat de l’indifférence

Crise de l’eau en Guadeloupe : le constat de l’indifférence

En Guadeloupe, les problèmes liés à l’eau impactent la vie des habitants depuis trop longtemps. Coupures à répétition, eau impropre à la consommation, dysfonctionnement des stations d’épuration. Après des années de plainte auprès des autorités compétentes, le constat de l’indifférence. 

Vue du ciel, elle semble flotter au milieu de l’océan Atlantique, en forme de papillon c’est la Guadeloupe, l’île aux belles eaux. Rivières, cascades, sources chaudes, elle semble avoir été bénie par la nature pour offrir aux Guadeloupéens de l’eau en abondance. Pourtant, cette même eau fait le sujet d’un désastre sanitaire et écologique sans précédent pour l’île. L’image de ces magnifiques scènes aquatiques cache une dure réalité, l’accès à l’eau potable n’est pas une garantie sur l’archipel. 

Eau potable : le triste état des lieux

En Guadeloupe, au rythme des « tours d’eau », on s’organise avec ses propres moyens pour pallier les interruptions récurrentes. Chez les uns, on se contente de remplir bouteilles, bidons et seaux d’eau en prévision des coupures. Chez les autres on a fait installer des citernes de récupération d’eau de pluie, moyen plus efficace, mais bien plus couteux. Par-dessus tout, c’est la qualité de l’eau qui soulève le plus d’inquiétudes d’un point de vue sanitaire. On déplore sur l’île un réseau si vétuste que des bactéries, pesticides (chlordécone) et traces de matières fécales ont pu être détectés dans l’eau destinée à la consommation. Ces évènements entrainent des jours entiers d’interruptions, comme ont pu en rencontrer plusieurs communes de la Grande Terre au cours des dernières années.

« Les réseaux sont en si mauvais état que les eaux usées et potables se mélangent », Sabrina Cajoly, juriste et défenseure des droits humains en Guadeloupe. 

Selon l’Office français de la biodiversité (OFB), 12 des 17 stations d’épuration de l’archipel sont non conformes. On parle ici de 80% des systèmes d’assainissement de Guadeloupe jugés défectueux. D’après des statistiques données par l’Office de l’eau, 60% de l’eau potable produite est perdue (soit 50 millions de mètres cubes d’eau par an) en raison de la dégradation des canalisations.

Montagne d’accusations contre absence de solution

Une situation bien connue du gouvernement français qui ne semble pas prendre la mesure du problème. Plutôt que d’envisager des actions rapides et concrètes, celui-ci préfère se lancer dans une chasse aux sorcières. En juillet 2021, un rapport d’enquête de l’Assemblée nationale pointe du doigt la responsabilité des élus locaux. En Guadeloupe, les affaires obscures de corruption et de détournement de fonds n’ont pas manqué aux couvertures de la presse locale. En 2014, le SIAEAG (Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement en Guadeloupe) est identifié comme le principal responsable. En résulte la condamnation de l’ex-président du syndicat, le défunt Amélius Hernandez à trois ans de prison (dont deux avec sursis) et 150 000 euros d’amende pour « détournement de fonds et favoritisme ». Neuf ans plus tard, l’actuel syndicat mixte de gestion de l’eau et d’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) fait l’objet d’une plainte déposée auprès du procureur de la République de Pointe-à-Pitre par une centaine de plaignants. Cette dernière met en cause non seulement le SMGEAG, son prédécesseur le SIAEAG, mais aussi la communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbes (CAGSC) pour « exposition d’autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente », en date du 27 avril 2023. Pour ne pas finir, un récent rapport du Comité des droits de l’enfance de l’ONU déplore « l’accès limité à de l’eau propre à la consommation » en outre-mer. 

« Sur l’eau en Guadeloupe, je n’ai pas en tête que l’eau ne soit pas potable », représentante de la délégation française devant les experts du CRC de l’ONU, à Genève ; le 10 mai 2023.

Lire l’article : Pourquoi le chlordécone détruit-il la santé et l’avenir des Antillais au quotidien ?

La réponse est-elle politique ?

Malgré un florilège d’accusations, la situation reste inchangée. Le gouvernement préfère se dédouaner, voire nier, comme le montre la réponse de la représentante du ministère de l’outre-mer face aux experts du CRC de l’ONU le 10 mai 2023. Une déclaration qui sonne comme un affront quand les Guadeloupéens ont encore rencontré plusieurs interruptions d’eau, pour des raisons de non-conformités microbiologiques au cours de l’année. 

Manque de considération, négligence et méconnaissance sur le sujet, l’incompétence dont l’État français fait preuve à l’égard de son propre territoire laisse à réfléchir. Combien de temps encore les départements d’outre-mer seront-ils laissés pour compte ? Des mesures finiront-elles par être prises ? Ce ne sont là qu’une partie des nombreuses questions qui demeurent encore à ce jour sans réponses.  

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