Mourad le pianiste des quartiers nord livre les prémices d’une carrière étincelante

Mourad le pianiste des quartiers nord livre les prémices d’une carrière étincelante

À seulement 15 ans, l’histoire de Mourad ressemble à un véritable conte de fées. Alors qu’il jouait sur un piano en libre-service à l’hôpital de la Timone à Marseille, un spectateur le filme à son insu. Les internautes et les médias sont immédiatement touchés. Invité sur différents plateaux, Mourad impressionne par sa facilité d’improvisation et d’apprentissage.

À l’ère triomphante des réseaux sociaux, quand certains donneraient tout pour décrocher un semblant de notoriété, même éphémère, l’histoire de Mourad est loin d’être banale. Dans sa cité de la Castellane, au sein des quartiers nord de Marseille où il a grandi, le garçon vit tranquille. Sans faire de bruit. Sans jamais avoir cherché à en faire. Jusqu’à ce jour de décembre 2018, quand Twitter soudainement ne parle que de lui ! Ce jour-là, puisque le piano familial est cassé, Mourad vient jouer sur celui qui trône dans un hall de l’hôpital de la Timone. Depuis quelques mois, il s’y rend plusieurs fois par semaine. Chaque fois, l’adolescent s’installe, improvise pendant des heures. Dans ces moments, plus rien d’autre que la musique n’existe autour de lui. Il oublie tout. Instinctif, doté d’une oreille musicale hors du commun, il joue de mémoire, et a seulement un an de cours de piano à son actif. Bref, cet après-midi-là, fasciné par ce qu’il entend un inconnu s’approche et lui demande l’autorisation de le filmer avec son téléphone portable. Évidemment, Mourad accepte. Sans savoir que l’homme tweetera immédiatement la vidéo. Une vidéo qui deviendra virale… à la vitesse du vent ! « Le temps que je quitte la Timone pour rentrer chez moi, tout le monde en parlait déjà ! J’étais loin d’imaginer que cela allait déclencher tout ça… D’autant que je n’étais jamais allé sur Twitter ! ». Aussitôt les réactions pleuvent, et le destin de Mourad bascule. Télé, radio, journaux, célébrités et anonymes saluent l’« incroyable petit pianiste de la Timone », 14 ans seulement, et déjà tant de promesses…

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La musique comme thérapie

Mais le parcours de Mourad et son lien si atypique avec la musique ne se limitent pas à ce seul Tweet. Pour en connaître la genèse, il faut remonter quelques années en arrière. Un matin de février 2015 précisément, quand une épouvantable fusillade survient à la Castellane. Au moment où Mourad et ses petits camarades sortent en récréation, les balles commencent à pleuvoir. Immédiatement, les enfants sont mis à l’abri ; ils resteront cinq heures sous les tables de la salle de classe, sans contact avec l’extérieur. De quoi marquer une vie, surtout quand on a 10 ans ! Dès le lendemain, la direction de l’école doit gérer les traumatismes. C’est là qu’une musicienne intervient, Marianne Suner. Il faut leur changer les idées, à ces petits. Adoucir leurs plaies. Les aider à exprimer leurs émotions, à expurger leurs peurs. Alors, son accordéon en bandoulière, Marianne Suner chante pour eux quand elle voit s’approcher un petit garçon pas tout à fait comme les autres. « Il m’a écouté, m’a demandé d’autres chansons, puis soudain il s’est mis lui-même à chanter, se souvient-elle. Il improvisait d’une voix mélancolique, et c’était formidablement juste. De toute évidence, il expurgeait, il s’exprimait à sa façon, et cela m’a émerveillée… »

Une passion naissante

Dès lors, Mourad et Marianne ne se quitteront plus. L’artiste le prend sous son aile, l’incite à intégrer l’association musicale au sein de laquelle elle intervient. Au V.O.C. (Vivier Opéra Cité), il devient soliste, travaille l’opéra, donne ses premières représentations publiques. Jusqu’à la création d’un spectacle musical, « Opéra.22 », dans un petit théâtre marseillais : « On était je ne sais plus combien d’enfants ; c’était formidable ! ». Il se prend d’une telle passion qu’il écrit même un conte musical, « Les mots de Thomas », sous l’œil toujours bienveillant de Marianne, devenue plus qu’une conseillère.

Pianiste hors-norme

Le temps passant, Mourad connaît ce que tout adolescent traverse un jour : l’inévitable mue. Il ne peut plus chanter ? Alors il choisit le piano ! À peine aidé par quelques tutos sur internet, il s’en empare aussitôt. Et improvise. L’instinct, toujours. Ses parents, de modestes immigrés comoriens, se démènent pour lui offrir son premier instrument, puis il suit ses premiers cours offerts au moyen d’une opération de crowfunding à laquelle participent tous ceux qui l’ont jusque-là côtoyé. Et qui ont été bouleversé par son incroyable rapport à la musique, cet instinct absolu, sa mémoire auditive hors-norme. « Mourad n’était pas un enfant comme les autres, ça n’échappait à personne », dit Marianne Suner.

Prémices

Les choses s’enchaînant parfaitement (et rapidement !) quelques semaines passent et nous voici de nouveau en décembre 2018. Toujours épaulé par Marianne, Mourad écoute le répertoire jazz qu’il ne connaissait pas quelques semaines plus tôt. Et voilà qu’arrive, moins d’un an après l’avoir entendu à la Timone, le premier album de Mourad, justement intitulé « Prémices ». « Prémices » nous livre sept titres, entre classique, jazz et musique du monde : trois compositions originales, et quatre improvisations sur des morceaux bien connus, mais entièrement revisités.

« Prémices » ? Ceux d’une belle carrière, à coup sûr. Ceux d’un immense talent qui, du haut de ses 15 ans, ne demande qu’à grandir. Grandir certes, mais en suivant toujours son incroyable instinct !

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